Fondées après la guerre contre Antalion, les puissantes Aetherguildes se sont regroupées au sein du Fortin pour créer une société entièrement tournée vers le progrès et l’exploitation de l’Aether. De la Ville Haute aux bas-fonds embrumés du Carrefour des Espérances, ingénieurs, prospecteurs et ouvriers œuvrent chaque jour par milliers pour enrichir la puissante caste dirigeante des Barons de Fer.
Protégées par les divisionnaires de la Roue de Fer, une armée de métier bien équipée et entraînée, les patrouilles des Aetherguildes parcourent Oriar à la recherche du précieux Aether, indispensable à la suivie du Fortin.
Au cœur d’un continent hostile, ces hommes et ces femmes luttent de leur mieux contre des conditions de vie rudes et la menace constante des mages d’Antalion. Mais, grâce à leur ingéniosité et leur courage, mus par une volonté de fer, ils parviennent souvent à triompher d’adversaires supérieurs.
Fourbissez vos armes et menez vos hommes jusqu’à asseoir votre domination sur les Rocs Brisés !
Lorsque les Communs quittèrent le berceau de leur civilisation suite à la signature du Pacte, certains décidèrent de partir vers les terres sauvages pour y fonder des communautés autonomes. Les autres, pour la plupart des survivants de la guerre contre Antalion, s’installèrent sur les bords du cratère et y fondèrent une civilisation nouvelle.
Ils posèrent les bases d’une société méritocratique, basée sur la valeur de l’individu et non sur son nom et la richesse de sa famille. Se voulant à l’opposé de la culture Antalianne, cette civilisation se souhaitait humaniste, plaçant l’humain au centre de tout. Croyant fermement en la valeur du travail et du dépassement de soi, les fondateurs de Fortin établirent un ensemble de règle destinés à préserver la liberté de tous.
Trois siècles plus tard, alors que maintes générations ont vécu dans l’ombre d’une industrialisation devenue inhumaine, il ne reste plus grand-chose de ces idéaux. Le contrôle des ressources primordiales et la volonté de ceux qui, ayant accédé au pouvoir s’étaient rassemblés afin de protéger leurs possessions, a lentement perverti les volontés des fondateurs. La société des Aetherguildes était née.
Dominée par l’omniprésence des grandes guildes, des organisations aux ramifications multiples régissent tous les aspects de la vie du Fortin. Une population toujours plus importante travaille jour et nuit aux services des véritables dirigeants de la ville. Surnommés Barons de Fer, ces quelques individus puissants possèdent des parts majoritaires dans chacune des Aetherguildes. Ces parts, devenues héréditaires, assurent à quelques familles le plein contrôle du Fortin. C’est ainsi que la société des Communs finit par devenir l’exact reflet de celle des mages, qu’ils abhorraient tant.
Bien qu’il soit encore possible pour un individu d’exception de s’élever à des postes importants au sein des guildes, la corruption, les pots de vins et les manigances politiques décident bien plus souvent du destin des hommes et des femmes du Fortin que leur réelle valeur. Les Barons de Fer feront tout pour ne pas perdre leur pouvoir, politique et matériel. Ils n’hésiteront pas à contrôler l’information, exerçant leur influence par la peur ou au contraire promettant des récompenses à ceux désireux de les servir. Immensément riches, propriétaires de la plupart des réserves d’Aether, ils disposent de droits dépassant de loin ceux qui avaient été prévus à l’origine.
La vie au sein du Fortin est dure, entièrement tournée vers le travail et la recherche du progrès perpétuel, chaque homme et chaque femme œuvrant aux services des innombrables industries de la ville. Tous les Communs savent ce qu’il adviendrait d’eux si leur civilisation venait à échouer, les laissant à nouveau à la merci d’Antalion. Personne ne souhaite revivre les heures sombres de l’histoire où les mages tout puissants régnaient en tyrans sur Oriar. Le Fortin a donné naissance à une société complexe et inégale mais a façonné également un peuple industrieux et opiniâtre. Des soldats de métier de la Roue de Fer aux innombrables ouvriers des usines des Aetherguildes, tous sont tournés vers le même but : survivre et prospérer.
Cette corporation regroupe les esprits les plus brillants du Fortin. Mécaniciens et inventeurs de génie, ses membres sont pour la plupart des autodidactes ayant œuvré longuement sur leur invention avant de la présenter au comité d’admission de la guilde. N’importe qui peut proposer sa création au comité et, si celui-ci l’avalise, l’heureux élu se verra fournir une charte d’Aether-ingénieur. Ce document confère à son détenteur une rente à vie, l’accès à des ressources presque illimitées et un appartement au sein du bâtiment principal de la guilde, situé dans la Ville Haute. En contrepartie, l’ingénieur s’engage à offrir toutes ses créations à la guilde qui seule pourra en faire commerce.
Découvrant des laboratoires s’entendant sur des blocs entiers, l’ingénieur pourra donner librement corps à ses idées. Les plus belles inventions des Communs y ont été conçues, telles que les pistons alimentés à la vapeur qui permirent la création des presses à imprimer, les engrenages aethériques, ou encore les forges autonomes qui équipent la plupart des usines. La maîtrise qu’ont les ingénieurs de l’énergie aethérique leur permet de confectionner des armes efficaces à destination des divisionnaires de la Roue de fer comme les harnais à piston qui augmentent les capacités des soldats, les prothèses qui remplacent les membres perdus, et bien d’autres encore...
Ce sont eux aussi qui ont créé le système d’éclairage publique à base de moteurs au mouvement perpétuel, alimenté par de la poussière d’Aether, permettant au Fortin de sortir de l’éternelle obscurité générée par les retombées de suie. Les ingénieurs sont en charge de l’ensemble des usines de la ville, certains se spécialisant dans la création de méthode de production toujours plus efficaces. Au cours des siècles passés, ils ont perfectionné au-delà du possible le traitement des métaux, l’usage de la vapeur et la création d’alliages résistants et légers. Ils conçurent également les premiers, les masques respirateurs qui prolongeaient de façon significative l’espérance de vie de ceux qui étaient assez fortunés pour en acquérir. Les ingénieurs, pour la plupart, ne sont intéressés que par l’acte de création en lui-même mais la guilde tire un parti très lucratif de leurs diverses inventions. Leur corporation est une des plus riches et influentes du Fortin.
L’invention la plus connue et admirée des Aether-ingénieurs est, sans conteste, les Automates. Ces machines, mues par un cœur aethérique, sont des merveilles d’ingéniosité. Leur corps de métal et de rouages en fait des combattants performants, bien que limités dans leur autonomie. Aussi, bien des ingénieurs accompagnent leur création afin de contrôler leurs mouvements pour augmenter leur efficacité. Un ingénieur ne cessera jamais d’améliorer son automate, lui greffant des armes, des moteurs secondaires, des aspirateurs aethériques ou tout autre invention sortie de son esprit en ébullition.
Certains ingénieurs, et plus particulièrement ceux œuvrant sur les armes et équipements à destination de la Roue de Fer, rejoignent souvent des expéditions dans les terres sauvages pour tester leur invention sur le terrain. C’est ainsi que plusieurs d’entre eux ont rejoint le corps expéditionnaire du Capitaine Anton Reavers, officier divisionnaire de la 3ième, en charge de l’extraction aethérique dans les Rocs brisés.
La seconde corporation, en terme d’importance, est la guilde des Aether-prospecteurs. Ces derniers entreprennent les laborieux travaux d’excavation sur les contreforts du cratère ou mènent des expéditions de recherche dans les terres sauvages.
Disposant de vastes connaissances en géologie et en chimie, les Aether-prospecteurs sont un rouage essentiel de la société des Communs. Leur industrie étant presque exclusivement basée sur l’énergie tirée de l’Aether, leur rôle est essentiel. En effet, sans approvisionnement régulier, les usines ne pourraient plus fonctionner entraînant de fait le déclin inéluctable du Fortin. Ce sont les membres de cette corporation qui sont en charge de ce qu’il reste de l’imposant cristal d’Aether qui donna jadis naissance à la technologie des Communs. Ils en étudient la structure et prélèvent avec parcimonie de petites quantités d’Aether pur qui sera ensuite réduit en poudre et raffiné pour alimenter la ville en énergie.
La charte d’Aether-prospecteur n’est obtenue qu’après des années d’études. De fait, seuls les méritants sont à même d’accéder à ces postes prestigieux. Bien évidemment, comme souvent au sein du Fortin, certaines familles riches parviennent néanmoins à acheter ce précieux sésame, souvent à des étudiants fraîchement diplômés et dans le besoin, désireux d’aider leur famille. Bien que ces tractations soient illégales, les dirigeants de la guilde ferment souvent les yeux sur ces méthodes, ne désirant pas se mettre à dos des individus assez riches pour parvenir à leurs fins.
Ce sont eux qui dirigent les équipes d’excavation qui œuvrent à la récupération des éclats d’Aether sur les contreforts. Ces travaux sont périlleux car certains éclats se sont profondément enfoncés dans la terre. Le risque d’affaissement ou d’éboulis est pris très au sérieux par les prospecteurs d’autant plus maintenant que de nombreux habitants se sont établis le long des flancs du cratère.
Les prospecteurs emploient un équipement complexe, conçu sur demande par les Aether-ingénieurs. Celui-ci se compose généralement d’outils de prospection sophistiqués, de mécanismes d’aspiration en mesure de capter la poussière d’Aether ainsi que de détecteurs à même de repérer les sources d’énergie les plus importantes. Les communs rechignent autant que possible à rompre les accords du Pacte, craignant la réaction d’Antalion et s’astreignent donc à respecter l’interdiction concernant les fragments d’Aether. Cependant, ils furent les premiers à constater le phénomène de fragilisation du Voile qui entoure ces fragments et à découvrir les failles aethériques. Ils conçurent donc une technologie susceptible de raffiner la poussière d’Aether autour de ces gisements, leur permettant de récupérer de la matière première sans enfreindre les règles du Pacte.
La mission des Aether-prospecteurs est particulièrement dangereuse ce qui en fait des individus minutieusement préparés. Ils sont escortés en permanences par des divisionnaires triés sur le volet en raison de leur indéfectible loyauté. Même au sein de la Ville Haute, les prospecteurs sont des victimes de choix pour des criminels à la recherche d’une rançon royale que la guilde n’aura d’autre choix que de payer. D’autant plus quand ils s’aventurent, par nécessité, à l’extérieur du Fortin, que ce soit dans les terres sauvages inhospitalières ou dans les Rocs brisés.
Dernière des trois guildes majeures, la corporation des Marchands tient un rôle prépondérant dans la vie du Fortin. Ses membres, dont la charte a été achetée à prix d’or, fixent le cours de chaque denrée, évaluent le coût des ressources et régulent le commerce de l’Aether. La position d’un individu au sein de la guilde se mesure par la quantité de transactions placées sous son autorité directe. Rares sont ceux réellement en charge de telles opérations, car la guilde emploie un nombre considérable d’assistants qui exécutent sans se poser de questions d’innombrables tâches au service des vrais décideurs.
La mission la plus importante dévolue à la Guilde, en dehors du contrôle des transactions d’Aether, est d’assurer un approvisionnement constant en nourriture pour les multitudes qui œuvrent dans les usines et les divisionnaires de la Roue de Fer. Comme l’agriculture au sein du Fortin est rendue impossible de par la présence au niveau du sol d’une importante couche de suie, les Marchands doivent souvent traiter avec les communautés autonomes des terres sauvages ou, plus récemment, avec le culte de la Voie Véritable.
En échange d’Aether raffiné, d’armes ou d’automates, ils parviennent à importer d’importantes quantités de denrées alimentaires dont ils assurent la répartition. Les membres des guildes sont les premiers à être servis, suivis par les soldats de la Roue de Fer. Les autres survivent grâce à un système obscur de tickets de rationnement qui constitue une part importante de leur maigre salaire. Ainsi donc, un ouvrier ne pourra que rarement économiser et évoluer, devant sans cesse travailler pour se procurer les précieux tickets qui lui permettront de nourrir sa famille.
Les membres de la Guilde sont les seuls à posséder les laisser-passer qui les autorisent à quitter le Fortin pour se rendre dans les terres sauvages jusqu’à la Flèche, voire parfois jusqu’à Antalion. Le commerce avec la cité des mages, bien qu’extrêmement régulé, joue néanmoins une part importante dans l’économie globale de la société des Communs. Friands de poussière d’Aether raffinées, les Maisons antaliannes n’hésitent pas à débourser des sommes colossales pour acquérir la précieuse denrée. La guilde se fait payer en or et en argent, se servant généralement de ces métaux pour frapper des pièces crénelées qui servent de devises aux membres influents des autres guildes. L’Aether ne pouvant, par sa trop grande rareté, servir de monnaie étalon pour l’ensemble des transactions, ces pièces ont peu à peu remplacé l’ancien système basé sur le troc.
La guilde gère aussi les différentes banques de la Ville Haute, chacune détenue par une puissante famille. Ces banques peuvent prêter des sommes conséquentes aux autres guildes pour financer divers projets ou, plus rarement, à des individus désireux d’entreprendre ou de lever une expédition de recherche à destination des terres sauvages.
La Guilde occupe donc une part centrale dans la vie du Fortin et ses membres sont tenus en haute estime. De par leur influence colossale, ils sont à la fois craints et respectés mais également fermement contrôlés par les représentants des autres guildes afin d’éviter toute dérive.
La Roue de Fer est l’armée privée des Aetherguildes. C’est une organisation structurée dont les Divisions sont composées de centaines d’hommes et de femmes bien équipés et grassement rétribués. Financée en grande partie par les puissantes corporations, elle a plusieurs missions qui vont du maintien de l’ordre au sein du Fortin à la recherche des précieux fragments d’Aether indispensables au développement de la société des Communs.
Chacune des douze Divisions, forte d’une centaine de soldats, est sous les ordres d’un officier divisionnaire, possédant généralement le grade de Capitaine. Ses membres sont répartis par escouades d’une dizaine d’individus, sous la direction d’un Sergent. Ces unités sont principalement déployées dans les bas quartiers du Fortin afin de maintenir l’ordre et le bon fonctionnement des usines les plus importantes. Le Général de la Roue de Fer supervise seul l’ensemble des Divisions. Ce poste important et extrêmement bien rémunéré est attribué, pour un mandat de cinq ans, par un vote majoritaire de l’ensemble des dirigeants des Aetherguildes. L’actuel Général, Cheylard Kane, en est à son quatrième mandat consécutif.
Les soldats, appelés divisionnaires, sont tous des enrôlés volontaires. Pour certains, protéger les autres est une vocation tandis que pour d’autres, seule compte la généreuse solde promise ou les possibilités d’avancement. La Roue de Fer est relativement indépendante sur sa gestion interne et les nominations au poste d’officier restent, dans la majorité des cas, liées au mérite de l’individu plutôt qu’à la richesse de sa famille. Pour les résidents pauvres du Carrefour, faire carrière s’avère l’un des moyens les plus sûrs de pouvoir s’élever socialement. Les officiers reçoivent un logement dans la Ville Haute en plus d’une solde bien supérieure à celles des divisionnaires. C’est pourquoi les volontaires ne manquent pas, beaucoup cherchant à quitter leur condition misérable pour chercher une vie meilleure.
Les divisionnaires reçoivent un entraînement rigoureux et sont dotés d’un matériel de qualité. Les armes fabriquées par la guilde des Aether-ingénieurs leur assurent une bonne puissance de feu. Ils portent des uniformes renforcés de plaques d’armures mobiles, au tissu parsemé de limaille de fer, formant une protection appréciable. Ces inventions, issues de la prouesse technologique des Aetherguildes, rendent ces soldats très efficaces au combat. Avec leur entraînement poussé et leur discipline impressionnante, les divisionnaires sont des combattants craints par les Mages d’Antalion et les adeptes de la Voie Véritable.
Chaque escouade est également renforcée d’Automates d’Aether-ingénierie, des merveilles mécaniques fabriquées dans les hauts fourneaux. Semi- indépendants, ils avancent lourdement sur le champ de bataille, offrant un soutien de poids aux divisionnaires.
Depuis la chute de la comète d’Aether qui a frappé les Rocs Brisés, de nombreuses escouades de la Roue de Fer sont mobilisées pour escorter les Aether-prospecteurs qui recherchent les Failles aethériques. Les escarmouches dans ces terres inhospitalières sont légion, malgré le Pacte, et alors que la situation globale sur Oriar se dégrade à nouveau, les hommes et les femmes de la Roue de Fer se retrouvent une fois de plus en première ligne.
Cité grouillante et tentaculaire, le Fortin doit son nom à l’immense bâtiment qui constitue son centre névralgique. Après avoir signé le Pacte, les Communs décidèrent de bâtir leur ville autour du cratère où avait implosé la bombe aethérique. Bien que les Mages d’Antalion y virent une provocation et certains des Communes l’expression de la fierté de leur civilisation, la vérité était tout autre.
Pragmatiques à l’extrême, les dirigeants des Communs savaient parfaitement que leur société était entièrement basée sur l’usage de l’Aether comme source d’énergie. Sans lui, ils se trouveraient rapidement dans l’incapacité de se défendre face aux Antalians qui ne manqueraient pas de laver leur défaite dans le sang. La guerre ayant fortement épuisé les réserves disponibles, les membres de ce qui deviendrait plus tard les Aetherguildes prirent la seule décision logique. Ils s’installèrent sur les bords du cratère et se mirent à la recherche des fragments de la bombe, constituée en grande partie d’Aether pur.
Craignant que les Mages ne respectent pas le Pacte, ils commencèrent la construction d’une immense place forte, baptisée le Fortin. Bien que la ville se soit depuis étendue largement en dehors des murs d’enceinte, elle en a gardé le nom.
Rapidement furent érigés les entrepôts et sièges des grandes corporations, une fois celles-ci établies. Des usines immenses sortirent de terre, tandis que de plus en plus de riches notables se firent construire de somptueux manoirs. À mesure que les années passaient et que la population grandissait, la ville s’étendait à des lieues à la ronde autour du cratère. Lorsque le déplacement des masses ouvrières, vivant aux abords de la cité, finit par ralentir la production, les dirigeants des Aetherguildes prirent une décision radicale. Ils créèrent un impôt sur la surface au sol des habitations, que ne purent payer la plupart des travailleurs du Fortin. Ceux-ci, comprenant la finalité d’une telle mesure, n’eurent d’autre choix, pour échapper aux taxes, que d’aller vivre le long des parois du cratère, dans des habitations suspendues. Les Aetherguildes s’empressèrent alors de raser ces habitations et construisirent autour de la ville un second mur d’enceinte, signalant ses limites. Ainsi le Fortin fut scindé en deux, entre la Ville Haute à la surface et le Carrefour des espérances où vit la majorité de la population.
Après trois siècles d’industrialisation et la création d’immenses usines fonctionnant à chaque heure du jour et de la nuit, une pollution stagnante opacifie les rayons du soleil qui ne parviennent que rarement à percer la chape de fumée noire qui s’est abattue sur la ville. Les retombées toxiques provoquées par cette pollution ont donné naissance à une terrible maladie, la peste de suie. Près d’un dixième de la population du Fortin est affectée par cette maladie mortelle et incurable. Pour les dirigeants des Aetherguildes, cette situation est acceptable, la peste éliminant majoritairement les faibles et les improductifs régulant ainsi la population. Chaque habitant du Fortin porte en permanence des protections respiratoires allant de masques sophistiqués pour les plus riches d’entre eux à de simples foulards pour ceux n’ayant pas les moyens. La plupart porte également des verres teintés afin de mieux voir dans cette atmosphère saturée. La Ville résonne en permanence du bruit incessant des forges, des engrenages et des pistons qui fonctionnent inlassablement en produisant toujours plus de fumée.
La Ville Haute est le lieu de résidence des riches et des nantis. Construite à la surface du cratère, elle est protégée par d’épaisses murailles lourdement défendues sur lesquelles des Automates patrouillent inlassablement.
Bien qu’aucune végétation ne pousse sur ces terres saturées de suie, de grandes allées bordées de sculptures de fer simulent une sensation d’espace. Des places bien agencées et de vastes espaces de promenade ont été aménagés entre les immenses entrepôts et les usines qui constituent la majeure partie des bâtiments de ce niveau.
Les sièges des Aetherguildes sont les plus grands bâtiments de la Ville Haute. Situés dans les quartiers nord, ces constructions colossales abritent des fonderies, des laboratoires et des ateliers innombrables où résident et travaillent ingénieurs et prospecteurs.
Les manoirs des Barons de Fer ainsi que leurs nombreuses dépendances occupent également une place importante. Situées à l’ouest de la ville, dans un quartier appelé les Halls d’abondance, ces demeures sont de véritables places fortes. Des milices privées en assurent la protection, renforcées par des escouades complètes d’Automates, achetés à prix d’or aux Aether-ingénieurs. Les Barons de Fer sont les véritables maîtres des guildes, chacun détenant une participation majoritaire dans au moins une de ces corporations. Le plus riche et le plus influent d’entre eux est Matthias Merengrad, propriétaire majoritaire de la guilde des Aether-ingénieur et du très influent journal du Fortin, l’Engrenage.
La caserne centrale de la Roue de Fer occupe l’est de la ville. Elle regroupe les quartiers des officiers visionnaires, l’armurerie, les centres d’entraînement et de formation et les baraquements de trois divisons complètes, assignées au maintien de l’ordre dans la Ville Haute. Ces escouades patrouillent régulièrement dans les hauts quartiers, protégeant les bâtiments des Aetherguildes et les riches citoyens des tentatives de vol ou d’enlèvement perpétrées par des bandes en maraude issues du Carrefour. Bien des désespérés n’hésitent pas à tenter leur chance dans la Ville Haute. Il en résulte que malgré la présence des divisionnaires, il est très dangereux de se promener la nuit. Un ingénieux système d’éclairage publique permet de maintenir un semblant de lumière lors des sombres nuits mais cette installation très onéreuse n’a pas encore pu être déployée sur l’ensemble des hauts quartiers. Bien des dangers guettent donc leurs habitants, à l’ombre des immenses entrepôts des guildes.
Enfin, les quartiers sud de la ville sont constitués d’immenses blocs d’habitations sommaires mais agréables servant de lieu de résidence aux agents des guildes, contremaîtres ou autres métiers dont l’importance leur vaut le privilège de vivre au sein de la Ville Haute. C’est une position précaire, ces hommes et femmes n’ayant pas le droit de posséder leur logement. La moindre erreur dans leur travail peut entraîner leur renvoi et un déménagement rapide vers le Carrefour, sous l’œil vigilant des divisionnaires. Ils feront donc leur possible pour satisfaire leur employeur et mettre leur famille à l’abri, travaillant parfois des jours entiers, vérifiant inlassablement la qualité de leur travail et l’exactitude de leurs informations. Sans le labeur de ces centaines de travailleurs, la machine des Aetherguildes ne tarderait sans doute pas à dérailler.
La grande majorité des habitants du Fortin vit le long des contreforts du cratère dans un dédale de planches de bois et d’échafaudages métalliques branlants, appelé le Carrefour des espérances. Ce nom prédestiné explique bien la situation de ces milliers de résidents. S’ils peuvent, à force de travail, s’élever vers la Ville Haute, ils risquent tout autant de chuter vers les profondeurs du Cloaque. Ouvriers, divisionnaires, employés mineurs des Aetherguildes, marchands et élèves ingénieurs de faible rang se côtoient, perpétuellement afférés, dans les sombres allées suspendues du Carrefour. La société du Fortin ne tolère pas l’oisiveté et chacun œuvre quotidiennement pour la corporation qui l’emploie. Au fil des décennies, des habitations ont étés construites le long des parois, véritables blocs de fer suspendus au cratère par de lourdes chaînes d’acier. Dans ces logements exigus, des familles entières vivent en espérant des jours meilleurs.
Chaque matin, des milliers d’ouvriers prennent le chemin des usines construites sur le flanc du cratère, des dangereux chantiers d’extraction ou des fonderies aménagées dans des cavités creusées à même la paroi. Dans cette atmosphère exiguë, rendue opaque par la fumée noire persistante, les incidents sont nombreux et bien souvent mortels. Pour éviter autant que possible les jets de vapeur surchauffée, les ouvriers se vêtissent, pour la plupart, d’épaisses tenues de protection couvrant, comme ils le peuvent, leurs yeux et leur bouche. Couplées à la chaleur étouffante qui règne en ces lieux, ces protections, bien que vitales, rendent leur labeur encore plus pénible. La majorité des casernes des douze divisions de la Roue de Fer est également située à ce niveau. Les engagés volontaires doivent effectuer un service minimum de six mois, garantissant ainsi aux ouvriers un niveau de sécurité jugé satisfaisant par les Barons de Fer et ce, à moindre coût. Même si la mortalité reste élevée parmi les jeunes recrues de la Roue de fer, l’entraînement sur le terrain que leur ont procuré les patrouilles incessantes est une étape importante de leur formation. A l’issue de ce service, les divisionnaires fraîchement promus seront affectés à une caserne, les plus assidus d’entre eux bénéficiant parfois même d’un laisser-passer pour la Ville Haute.
C’est au sein du Carrefour des espérances qu’œuvrent les Chasseurs de primes. Ces individus indépendants et excentriques acceptent toutes les besognes, aussi basses ou dangereuses soient elles, contre une rémunération en espèces sonnantes et trébuchantes. Ces marginaux, souvent d’anciens divisionnaires n’ayant pu faire carrière, ne reculeront devant rien pour parvenir à leurs fins et empocher quelques pièces. Ils assistent régulièrement la population, se chargeant des missions dont la Roue de Fer ne veut pas. Collectes de dettes, vengeances privées ou protection rapprochée sont leur pain quotidien. Les Chasseurs obéissent à un code de l’honneur qui leur est propre mais qu’ils respectent à la lettre.
Dans la pénombre éternelle, tous triment inlassablement, rouages essentiels des moteurs qui font tourner le Fortin. La peste de suie fait des ravages au sein des familles modestes fragilisées par le manque de nourriture et qui se trouvent dans l’incapacité d’acheter les protections respiratoires adéquates. Plus la situation d’une famille est importante, plus elle habitera à proximité de la Ville Haute. Les plus pauvres, au contraire, ne résident qu’à quelques dizaines de mètre au-dessus du fond du cratère, et du terrifiant Cloaque.
Situé dans les tréfonds du cratère, le Cloaque est un lieu dangereux, perpétuellement plongé dans l’obscurité. Une couche de suie d’environ un pied tapisse le sol. Chaque pas soulève une fumée noirâtre nauséabonde, signe annonciateur de la peste qui ravage ces quartiers. La majeure partie des retombées polluées des fumées produites par les usines de la Ville Haute et du Carrefour s’agrègent dans les tréfonds. Peuplé de criminels et de mendiants, c’est un sinistre refuge pour ceux qui cherchent à fuir l’attention des Aetherguildes ou qui sont rejetés par la société à laquelle ils avaient pourtant voué leur existence.
La majorité de la population du Cloaque est constituée d’ouvriers sans emploi. Suite à une blessure, à une erreur de manipulation ou tout simplement à cause de leur âge, certains n’arrivent pas à maintenir les cadences imposées par les contremaîtres des usines. Ils sont alors chassés de leur logement situé dans le Carrefour, remplacés par des individus plus jeunes et plus productifs. N’ayant d’autre possibilité que de s’enfoncer dans les bas-fonds, privés des précieux tickets de rationnement qui assuraient leur subsistance, ces miséreux et leur famille doivent apprendre à voler pour survivre.
Les patrouilles de divisionnaires ne s’aventurent jamais jusqu’au Cloaque. Des transactions interdites ont lieu dans ce dédale d’habitations sommaires et d’usines clandestines où même la vie se monnaie. La survie y est une lutte constante et, la loi n’ayant pas cours ici, aucun des infortunés résidents du Cloaque n’hésitera à tuer pour s’emparer de ce que possède son voisin. Toute notion d’entraide ayant disparu, certains n’hésiteront pas à s’attaquer même aux plus faibles et aux plus démunis. De nombreux éclats de la bombe aethérique se sont logés dans les parois du cratère, certains même dans ses tréfonds. Les miséreux du Cloaque sont à la recherche perpétuelle de ces éclats, capables de changer le cours de leur existence… s’ils parviennent à vivre assez longtemps pour profiter de leur précieuse découverte et l’apporter jusqu’au Carrefour.
Un impressionnant réseau criminel s’est constitué au sein des bas quartiers. Voleurs, bandes de rançonneurs, tueurs de métier et divisionnaires déchus se sont regroupés pour former une sinistre assemblée. Ces bandes conduisent des raids dans la Ville Haute, pillant ce qu’ils peuvent avant d’être pris en chasse par les patrouilles de la Roue de Fer. Utilisant tunnels cachés et cordes dissimulées, ils se précipitent alors vers le Cloaque, sachant pertinemment que les divisionnaires n’auront pas le courage de les y poursuivre. Aussi, nombreux sont les Chasseurs de primes qui tentent leur chance dans ce lieu, à l’affut d’une récompense juteuse qui leur permettrait de s’enrichir suffisamment pour ne jamais avoir à y remettre les pieds. Ces individus, parfois couronnés de succès, passent pour la seule figure d’autorité aux yeux des nécessiteux. Ils apportent également à ces derniers la preuve qu’il existe un monde au-delà de la chape de malheur qui écrase les bas quartiers.
Dans l’ombre des profondeurs du cratère vit un individu mystérieux, une figure devenue légendaire parmi les pauvres et les mendiants. Valentian Price, surnommé le Vendeur d’avenirs, détient en réalité un pouvoir équivalent à celui des Barons de Fer. Le Cloaque est son royaume et il compte plus d’âmes qu’il ne lui en faut pour parvenir à ses fins.